Les harmoniques chez les bois
La création du son à la clarinette
Le son des instruments à anche découle des variations périodiques d'un flux d'air. L'anche est une valve qui modifie la taille de l'ouverture entre l'anche et le bec.
En vibrant, l'anche fera varier le flux d'air que l'instrumentiste envoie dans la clarinette, permettant la création du son.
Anche faible et anche forte
Les variations de flux d'air sont transmises au corps de la clarinette qui joue le rôle de résonateur. La vitesse de vibration de l'anche va se régler en fonction d'une des fréquences du résonateur : c'est une anche faible. En ouvrant / fermant des trous, le musicien fera varier la longueur du tube ce qui modifiera la fréquence du résonateur et ainsi la vitesse de vibration de l'anche.
Dans le cas des instruments à anches fortes, la fréquence de vibration de l'anche ne varie pas en fonction du résonateur. Ce dernier est alors réduit au rôle d'amplificateur.
Voici une liste non-exhaustive d'instruments à anches faibles et fortes :
|
|
|
|
Le résonateur impose sa fréquence de vibration
à l'anche
|
L'anche vibre à sa fréquence propre sans être
impactée par le résonateur
|
|
Roseau (ou matières composites)
|
|
|
|
- voix (les cordes vocales jouent le rôle
d'anches)
|
Une période
Pour un son
de fréquence F (en Hertz), la période du son T (en secondes) est égale à 1/F. Ainsi un la
440 Hz joué à la clarinette correspond à 440 petites périodes
d'environ 0,002272 s semblables. Voici ce qui se passe dans la
clarinette au cours de chacune de ces périodes :
l'air à
l'intérieur de la clarinette est à la pression atmosphérique, alors que l'air dans la bouche du musicien est à une pression légèrement supérieure
une
très petite quantité d'air va passer de la bouche du clarinettiste
au bec par l'ouverture entre l'anche et le bec
le déplacement d'air passant par l'ouverture va prendre son expantion dans le bec et ainsi créer une dépression derrière l'anche
- la
différence de pression de part et d'autre de l'anche aura pour
effet de l'aspirer sur la table du bec, et dès lors fermer
l'ouverture entre l'anche et le bec
l'onde
de dépression se propage dans la clarinette jusqu'au premier trou
ouvert
l'air
extérieur, à la pression atmosphérique, est aspiré par la dépression au travers de ce trou, ce qui augmente la pression au niveau du trou
l'onde
remonte ensuite en direction du bec, comblant progressivement la dépression
l'air à
l'intérieur de la clarinette est à nouveau à la pression
atmosphérique, la différence de pression avec celle de l'air dans
la bouche est suffisamment petite pour que l'anche s'ouvre à
nouveau
l'aspiration
de l'air par le trou est arrêtée face à la pression de l'air qui est
supérieure à l'intérieur de la bouche, il se forme alors une
surpression qui va en direction du premier trou ouvert
l'air
sort par ce trou
la
surpression diminue alors, et lorsque que l'air à l'intérieur de
la clarinette est à la pression atmosphérique, nous sommes
retournés au début de la période
Ce cycle se passe avec une quantité d'air extrêmement faible. Les pressions et les dépressions qui se déplacent ne correspondent pas à un écoulement d'air : les molécules font des trajets sur de très courtes distances et se transmettent les états de pressions et dépressions de proche en proche, à la vitesse du son.
La fréquence du son par rapport à la longueur du tuyau
Résumons
le déplacement de l'onde, avec L la longueur entre le bec et
le premier trou ouvert :
propagation
d'une dépression du bec au premier trou ouvert => 1 x L
la
dépression se comble jusqu'au bec => 2 x L
une
surpression se propage du bec au premier trou ouvert => 3 x L
la
surpression disparaît progressivement jusqu'au bec => 4 x L
L'onde a
donc parcouru 4 fois la longueur entre le bec et le premier trou
ouvert au cours d'une période.
Soit F
la fréquence du son, L la longueur entre le bec et le premier
trou ouvert et c la vitesse du son dans l'air.
Exemple :
À
une température de 15°C (à l'intérieur de la clarinette) et une
pression atmosphérique de 101,33 kPa, la vitesse du son dans l'air est de 340,3 m/s. Pour obtenir un la
440 Hz, nous avons besoin d'une longueur de tuyau jusqu'au premier trou ouvert de :
Partons d'une longueur de 19,33 cm, et observons l'impact de la variation de
la température pour des températures usuelles :
Température de l'air à l'intérieur de la clarinette (°C)
|
Vitesse du son (m/s)
|
Fréquence du son pour un tuyau de 19,33cm (Hz)
|
0 |
331,5 |
428,74 |
5 |
334,5 |
432,62 |
10 |
337,5 |
436,5 |
15 |
340,5 |
440,38 |
20 |
343,4 |
444,13 |
25 |
346,3 |
447,88 |
30 |
349,2 |
451,63 |
On
remarque une différence non négligeable de hauteur,
correspondant au problème que les instrumentistes à vent connaissent
bien : être bas lorsque l'instrument est froid, haut lorsqu'il est chaud.
Le quintoiement de la clarinette
La
clarinette est réputée pour quintoyer et non pas octavier
contrairement à la plupart des instruments. Elle est très pauvre en
harmoniques pairs et riche en harmoniques impairs. Ceci a notamment
pour conséquence de rendre inaccessible l'harmonique de rang 2 et de
passer directement à celui de rang 3, situé une octave et une
quinte au-dessus du fondamental : d'où le « quintoiement » (les principes
des harmoniques sont expliqués en détail dans cet article).
Mais
pourquoi la clarinette quintoie-t-elle ? Pourquoi est-elle si
pauvre en harmoniques pairs et si riche en harmoniques impairs ?
Au
moment de la description d'une période du signal de la clarinette,
nous avons tenu compte d'une seule et unique onde isolée, ce
qui n'est que théorique. En pratique, nous aurons à faire à des
ondes multiples (avec différents harmoniques) qui vont se propager
dans tous les sens à l'intérieur de la clarinette.
Quand
deux ondes de compression d'amplitudes équivalentes se croisent,
leurs vitesses s'annulent et elles créent à l'endroit de leur
croisement un ventre de pression (ou nœud de vitesse). Il pourra se
créer une suite de nœuds et de ventres (trains d'ondes). On
peut, pour simplifier, se les représenter de la même façon que les
ventres et les nœuds de la corde vibrante d'un violon.
Ces
trains d'ondes rebondissent les uns sur les autres, sont réfléchis
par le bec et le premier trou ouvert. Cependant, il y aura toujours dans la clarinette un ventre de pression en haut du bec en même temps qu'un nœud de pression au premier trou ouvert, ou inversement, avec des états transitoires symétriques.
Ainsi,
avec cette position forcée par les ventres et les nœuds aux extrémités, la
longueur L entre le bec et le premier trou ouvert est
nécessairement fragmentée de façon impaire. Ce qui explique la
richesse en harmoniques impairs et la pauvreté en harmoniques pairs
de l'instrument.
La
vibration de l'anche peut se caler soit sur la fréquence
fondamentale du résonateur, soit sur un de ses harmoniques impairs,
d'où le quintoiement (et la possibilité d'aller, y compris dans les
registres supérieurs, uniquement sur les harmoniques impairs).
En
pratique, du fait des frottements des ondes sur la perce de la
clarinette, chaque registre (harmonique) est légèrement plus grave que ce qu'il devrait être par rapport au précédent : le fondamental est juste, l'harmonique de rang 3 est un petit peu plus grave que ce qu'il devrait être. Ce phénomène s'accentue à mesure que nous montons dans les rangs d'harmoniques.
Du fait que la perce de la clarinette ne soit ni parfaitement lisse ni précisément un cylindre (les facteurs de clarinette travaillent sur des perces plus complexes), des harmoniques de rangs pairs sont aussi présents, mais leurs amplitudes restent très inférieures à celles de harmoniques de rangs impairs.